BitcoinBlockchain

La prétention de la connaissance à propos de Bitcoin

Réplique au texte d’opinion de Professeur Nouriel Roubini publié dans l’édition du  22 octobre 2018 de La Presse Plus
Une version légèrement éditée a été publiée dans l'édition du 26 octobre de La Presse Plus.

Dans un récent texte d’opinion, le professeur Nouriel Roubini y est allé d’un virulent plaidoyer contre Bitcoin et de la technologie “Blockchain”. D’emblée, je suis d’accord avec une bonne partie du témoignage du professeur. Il est vrai qu’en ce qui concerne la prétendue “technologie Blockchain”, on nage actuellement en plein délire. Cette technologie qui, n’en n’est pas réellement une, n’a encore rien démontré en dehors de l’application spécifique de l’échange de valeur tel que démontré par Bitcoin. Il est aussi vrai que la grande majorité des nouvelles émissions de crypto monnaies (ICO) sont frauduleuses. Bref s’il y a une bulle, c’est celle de la “Blockchain” et non de Bitcoin.

Dans son témoignage, le professeur Roubini enchaîne les affirmations farfelues voir carrément fausses. Premièrement, il affirme que Bitcoin est la “mère de toutes les bulles” et que cette bulle a maintenant éclatée. Nous pouvons débattre sur la valeur de bitcoin (l’unité monétaire) mais nul ne peut contredire le fait que, depuis son lancement en 2009, ce placement alternatif a retourné l’un des rendements les plus importants de l’histoire financière moderne. Il faut rappeler que Nouriel Roubini tenait exactement le même discours alors que Bitcoin valait à peine 40$, ce qui le place à des millions de points de base dans l’erreur. À l’heure d’écrire ses lignes, la dette souveraine globale se situe autour 100 billions de dollars avec une proportion inquiétante qui retourne une rendement négatif en intérêts. Les marchés boursiers atteignent des sommets alors que les taux d’intérêts sont toujours à un plancher historique. La mère de toute les bulles, c’est cette économie gonflée artificiellement par les banques centrales depuis la crise financière de 2008. Bitcoin n’est pas la bulle, c’est l’aiguille qui fait éclater la bulle.

Deuxièmement, Roubini affirme que les transactions Bitcoin sont lentes, peu fiables et dispendieuses. Les transactions ne sont pas instantanées, or ce n’est pas un problème mais bien une propriété de Bitcoin. La technologie évolue et les réseaux de deuxième niveau (comme Lightning) promettent notamment d’apporter l’instantanéité à Bitcoin. En terme de fiabilité, Bitcoin repose actuellement sur un puissant mécanisme de validation dont le réseau forme conceptuellement l’ordinateur le plus puissant de la planète. Il est important de mentionner que, malgré la baisse importante du bitcoin, les investissements dans son infrastructure se poursuivent à une tendance constante. Nous l’avons vu récemment au Québec avec une vague de projets de minage Bitcoin représentant des centaines de millions en capitaux privés. En terme de frais, il est possible de transiger des centaines de millions $ en quelques heures pour aussi peu que 10 cents via Bitcoin. Essayez de faire l’équivalent avec les banques traditionnelles.

Professeur Roubini affirme également que le minage Bitcoin est dirigé par un cartel et que cette “dictature” mettrait en péril la pérennité du réseau. Par cette affirmation, il démontre son incompréhension profonde du sujet. Bitcoin est contrôlé par une seule entité : ses utilisateurs. Roubini, comme  la plupart des observateurs de la finance traditionnelle, ne comprend pas que Bitcoin n’est pas basé sur une seule technologie (la prétendue “Blockchain”) ou dirigé par un groupe restreint (les mineurs) mais bien que c’est l’intersection de la cryptographie, du réseau point-à-point, de la décentralisation et de l’intérêt de ses acteurs économiques rationnels qui font en sorte que cette technologie progresse depuis maintenant près de 10 ans.

Finalement, Professeur Roubini présente Bitcoin comme étant une technologie inutile. Il est vrai qu’il est difficile de voir son utilité dans notre contexte de “stabilité” économique et monétaire. Or, il suffit de regarder des pays comme le Venezuela où la planification centralisée socialiste combinée à une politique monétaire inflationniste a détruit l’un des pays les plus riches de la planète. Bitcoin permet de sauvegarder la valeur tout en facilitant les échanges. Dans un contexte d’investissement, Bitcoin, l’actif numérique non corrélé, représente plus que jamais un actif digne d’intérêt dans la construction d’un portefeuille diversifié. Pas surprenant de voir Fidelity Investment et Goldman Sachs lancer des divisions qui vont activement transiger Bitcoin pour leurs clients.

Nouriel Roubini est l’exemple parfait de l’académicien anti-Bitcoin qui s’offusque d’un système économique qui ne peut être contrôlé et planifié de manière centralisée. Comme disait Friedrich A. Hayek, lauréat du prix Nobel d’économie : “La curieuse mission des sciences économiques est de montrer aux hommes à quel point ils ne connaissent rien de ce qu’ils pensent pouvoir concevoir”.

Par : 

Jonathan Hamel
Fondateur, Académie Bitcoin
Chercheur associé à l’Institut Économique de Montréal

Twitter : @jhamel